La Proposition
Jean-Pierre Masseret 
> Source : Programme du candidatLa persistance du chômage exige une nouvelle approche par territoire. Nous devons bousculer les habitudes et regrouper autour d’un outil commun, les différents intervenants et ne plus tolérer le chacun pour soi. Aujourd’hui tout le monde s’occupe de tout donc personne ne s’occupe de rien.
L’analyse de l’Institut Montaigne
En quelques mots
Dans son programme, le candidat propose le lancement d'un "plan d'urgence emploi".
La mesure est assez ambitieuse puisqu'elle se propose quasiment de réorganiser le service public de l'emploi. Elle consiste en effet en une mutualisation des crédits des politiques de l'emploi : "les collectivités en charge de l’insertion et de la formation seront invitées à mettre leurs crédits au service du plan. Ces crédits, y compris ceux de l’État, seront mis dans un pot commun pour financer les priorités."
Ce plan ciblera les publics prioritaires : "les priorités du Plan seront de corriger les anomalies que vous constatez sur chaque territoire : le chômage de longue durée, le chômage des jeunes, le chômage des + de 50 ans, un taux élevé de précarité, les emplois offerts non pourvus."
Les chômeurs de longue durée seront l’un des publics ciblés : "Le plan inclura les dispositions du retour à l’emploi des chômeurs de + d’un an." Cette mesure est l'objet du présent chiffrage.
Le candidat propose de faire des chômeurs de longue durée une des cibles prioritaires d'un service public de l'emploi réorganisé au niveau régional. La proposition est chiffrée comme la mise en œuvre d'un accompagnement renforcé par le service public de l'emploi au bénéfice des chômeurs de longue durée.
En appliquant les évaluations de programmes antérieurs développés par Pôle emploi ou par des opérateurs privés de placement, la mesure pourrait coûter 130 M€ de plus qu'un suivi classique par Pôle emploi. Les programmes duraient environ six mois.
En détail
Selon les statistiques de Pôle emploi, la région Alsace – Champagne-Ardenne – Lorraine comptait 213 482 demandeurs d'emploi inscrits en fin de mois, de catégorie A, B ou C depuis plus d'un an[1].
Comme le suggère la description de la mesure, il est supposé que cette cible – les demandeurs d'emploi de longue durée –,ferait spécifiquement l'objet d'un accompagnement renforcé par rapport aux dispositions habituelles du service public de l'emploi.
Un programme d'accompagnement renforcé[2]
Ces programmes d'accompagnement renforcé peuvent être assurés par Pôle emploi ou par externalisation auprès d'un opérateur privé de placement (OPP). Dans les deux cas, on suppose que la Région contractualise avec les opérateurs et prend en charge les coûts supplémentaires par rapport à un suivi standard.
Des expériences de ce type avaient été initiées suite à la crise. Pôle emploi avait notamment lancé le programme Cap ver l'entreprise (CVE). Le suivi est personnalisé, défini sur mesure à base d’entretiens individuels ou de séances collectives, et prévoit a minima un contact hebdomadaire et deux rendez-vous par mois. Cet accompagnement est d’une durée de 6 mois (pouvant exceptionnellement être prolongée de 3 mois) et le suivi dans l’emploi en cas de reclassement est de 3 mois. Le portefeuille du conseiller CVE ne dépasse pas 50 demandeurs d’emploi.
À partir de la mise en place d'une comptabilité analytique, il est possible de retracer la masse salariale affectée à l’accompagnement et à l’encadrement de cette activité de suivi des demandeurs d'emploi. Pôle emploi a ainsi pu établir un coût unitaire de cet accompagnement renforcé. Le coût unitaire, par personne et par mois, inclut le coût d’accompagnement (temps de conseiller imputé à partir de la taille moyenne de portefeuille des conseillers affectés à CVE), le coût d’encadrement (coût de la supervision du travail d’accompagnement). Le coût unitaire ainsi calculé de CVE est estimé à 110,8€ par mois selon la comptabilité analytique de Pôle emploi. Le coût du programme pour un individu est ensuite obtenu en multipliant ce coût unitaire par la durée de participation. Celle-ci est très variable, fonction des retours à l'emploi et des abandons. En moyenne, elle est d'un peu plus de 6 mois.
Ce coût est comparé à celui d'un suivi classique par Pôle emploi obtenu par la même méthode de comptabilité analytique des coûts. Le coût moyen unitaire d'un accompagnement renforcé est de 694€ contre 68€ pour le suivi standard par Pôle emploi.
Le chiffrage de la mesure peut être illustré avec les coûts de ces programmes. L'accompagnement renforcé des chômeurs de longue durée représenterait un coût de 148 M€ (=694 x 13 482 demandeurs d'emploi) à comparer pour la même durée de traitement à un coût de 15 M€ pour le suivi standard en l'absence de cette mesure.
Le coût de la mesure serait de 134 M€ pour l'ensemble des chômeurs de longue durée de la région.
Du fait de la volumétrie, il est probable que Pôle emploi ne pourra pas garantir un suivi aussi intense (50 demandeurs d'emploi par conseiller). Pour une partie de la cible, un recours à des OPP serait probable. Un tel programme (Trajectoire emploi) avait été évalué de la même façon. Son coût était de 1 000€ pour un suivi standard par Pôle emploi de 60€.
En appliquant ces coûts, la mesure pour les demandeurs d'emploi de longue durée se chiffrerait à 201 M€.
Une hypothèse intermédiaire peut être retenue avec une équi-répartition entre Pôle emploi et des opérateurs privés. Le coût serait de 167 M€.
[1] Source : Pole emploi, DARES sur site INSEE.
[2] Source : Pole emploi "Une évaluation coût - bénéfice de l'externalisation de l'accompagnement renforcé des demandeurs d'emploi".
Sources
- évaluation d'un dispositif d'accompagnement renforcé (cap vers l'entreprise de Pôle emploi) ;
- données DEFM Pôle emploi.
Difficultés éventuelles pour le chiffrage / aléas et incertitudes :
Le principe de la mesure est clair, mais sa mise en œuvre et son coût reposent sur de nombreux paramètres. Le coût est illustré avec une expérience passée similaire.
Rappelons que ce coût est un coût brut. L'évaluation du programme mentionné avait mis en évidence des effets significatifs sur le retour à l'emploi des chômeurs. Le programme avait permis de faire passer leur taux de sortie vers l'emploi de 39 % à 46,3 %. Des économies pour la collectivité en indemnisation chômage, prestations (RSA) peuvent être attendues. L'évaluation portait toutefois sur des effectifs de chômeurs plus restreints et les effets ne peuvent être extrapolés directement.
Par ailleurs, en amont, la mutualisation envisagée des moyens des opérateurs du SPE est également susceptible de générer des économies au sein du service public de l'emploi de la région (réduction des coûts de gestion, etc.).