La Proposition
Hervé Morin
> Source : Projet du candidatCréer une agence régionale unique de développement dotée de 100 millions d’euros et capable d’entrer en fonds propres ou quasi fonds propres dans le capital des entreprises petites ou moyennes.
L’analyse de l’Institut Montaigne
En quelques mots
La création d’une agence régionale unique, contrôlée par la région Normandie et dotée de 100 M€ devrait coûter en réalité entre 32,5 et 73 M€ à la région sur la durée de la mandature, selon le niveau de fonds européens que la région parviendra à mobiliser. Cette agence interviendrait en complément des outils déjà existants. Outre son rôle d’investisseur, elle aurait également une mission d’animation et d’accompagnement des entreprises (mission non chiffrée).
Le fonds devrait être financé pour plus 20 % par des emprunts. Les fonds restants seraient apportés par la région et par l’Union européenne. Selon le niveau de participation de l’Union européenne, la participation de la région serait comprise entre 39,7 M€ et 71,7 M€.
Ces fonds ne sont pas perdus : ils sont investis dans des entreprises et peuvent générer une plus-value, qui peut être redistribuée au Conseil régional. En supposant que les investissements ne génèrent pas de pertes nettes, les gains totaux sur la mandature, nets des frais de gestion du fonds, pourraient aller de 0 à 8 M€. Il faut préciser cependant que le retour sur investissement pourra être plus long que la durée de la mandature, notamment si le fonds investit sur le long terme.
Enfin, la création de ce fonds nécessitera de créer une équipe au sein du Conseil régional. La masse salariale de cette équipe de deux à trois personnes devrait coûter de 840 000 € à 1 260 000 € sur la durée de la mandature.
En détail
La création d’une agence régionale unique de développement dotée de 100 millions d’euros et capable d’entrer en fonds propres ou quasi fonds propres dans le capital des entreprises, petites ou moyennes, entraîne à la fois des dépenses d’investissement, des gains (ou pertes), liés aux placements effectués, et des dépenses de fonctionnement pour gérer l’agence.
1) Dépenses d’investissement
Le volume de capital nécessaire pour créer cette agence régionale unique dotée de 100 M€ dépend de trois paramètres :
a) Quel sera le niveau de fonds propres de l’agence ?
b) Quel sera le niveau de participation de la région dans l’agence ?
c) Les capitaux actuellement investis par la Haute-Normandie et la Basse-Normandie dans divers fonds de soutien aux entreprises seront-ils redéployés vers cette agence
a) L’équipe de campagne du candidat a indiqué que les 100M€ dont l’agence serait dotée ne serait pas uniquement constitués de capitaux propres : ils comprendraient également des emprunts, souscrits par l’agence et garantis par la région.
Sans précisions supplémentaires sur la répartition du financement, il est fait l’hypothèse que le rapport entre capitaux propres et emprunts de l’agence serait identique à celui du fonds PACA investissement, un fonds d’investissement de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur[1]. Ce fonds dispose de 19,45 M€, dont 79,4 % de fonds propres. Pour le fonds de 100 M€ de la région Normandie, 20,6 M€ pourraient donc provenir d’emprunts.
b) D’autres investisseurs (Bpifrance, banques, assurances, Union européenne) peuvent également prendre des participations dans cette agence. L’équipe du candidat a indiqué que seule la participation financière de l’Union européenne était prévue, à hauteur de 50 % des fonds propres.
L’Union européenne a déjà contribué à d’autres fonds, comme le fonds PACA Investissement, à hauteur de 50 % des capitaux propres. Cependant, les montants en jeu sont nettement plus faibles dans ces fonds (7,7 M€ de participations pour PACA Investissement). Si l’aide de l’Union européenne est très vraisemblable, son montant est soumis à davantage d’aléas.
Une fourchette de participations de l’Union européenne doit donc être retenue :
- minimum : 7,7M€, ce qui implique un investissement de la région à hauteur de 71,7 M€ ;
- maximum : 39,7 M€, ce qui signifie que la région doit apporter un complément à hauteur de 39,7 M€.
c) Les régions Basse-Normandie et Haute-Normandie investissent déjà dans des fonds dédiés au soutien en fonds propres des entreprises, à hauteur de 42 M€ a minima[2]. L’équipe du candidat a indiqué que les investissements dans ces structures seraient maintenus. En effet, les montants investis ne peuvent pas être récupérés en l’état pour être réaffectés ensuite, puisque la participation aux fonds est définie dans le temps et dans les objectifs qui doivent être poursuivis.
2) Gains (ou pertes) sur les investissements réalisés
Les investissements réalisés prendraient la forme de prises de participation de l’agence au capital des sociétés investies. La région ne prendrait pas de participations directes. Cependant, elle pourrait toucher des dividendes si l‘agence devait réaliser des plus-values, ou au contraire perdre une partie des montants investis si les placements effectués devaient s’avérer perdants.
L’impact final de cette mesure sur les finances de la région dépendra donc du rendement du capital mobilisé.
Le candidat ne précise pas la répartition de son fonds entre capital-risque, capital-développement et capital transmission. Il est fait l’hypothèse que la répartition sera identique à celle de NCI (Normandie Capital Investissement) gestion, soit 25 % de capital-risque, 35 % de capital-développement et 40 % de capital-transmission. L’association française des investisseurs en capital (AFIC) estime, en 2014 le taux de rendement interne net depuis l’origine des fonds de capital-innovation à -0,1 %, ceux de capital-développement à 7,4 % et ceux du capital-transmission à 14,3 %.
La mesure proposée par le candidat pourrait ainsi entraîner, en moyenne, un gain à moyen-terme de 8 %, soit 8 M€, net des frais de gestion du fonds. Ce gain pourrait venir alimenter le budget du Conseil régional s’il choisit que cette plus-value lui soit redistribuée.
Il est probable que ce gain soit un majorant : en effet, il est calculé à partir de la performance de fonds privés, qui sélectionnent en priorité les projets les plus rentables a priori. Or l’équipe du candidat a confirmé que l’agence investirait dans des projets « sur la base de critères autres que financiers ». Le rendement devrait donc être plus faible que la moyenne.
Aussi, une hypothèse basse (gain nul sur la période de la mandature, net des frais de gestion) a également été retenue. Ce retour sur investissement pourra être plus long que la durée de la mandature, notamment si le fonds investit sur le long terme. Cette hypothèse exclut de fait la possibilité d’une perte nette sur les montants investis.
3) Dépenses de fonctionnement
La création d’une agence régionale unique d’investissement dans les PME requerra la mise en place d’une équipe au sein du Conseil régional, afin de représenter la région au conseil d’administration du fonds, de faire l’interface entre les entreprises sollicitant une intervention et la société de gestion chargée du fonctionnement du fonds, et de contrôler les investissements réalisés. Il est fait l’hypothèse que la gestion de cette activité mobiliserait de 2 à 3 personnes à temps plein. En effet, la région Rhône-Alpes, qui possède déjà un fonds régional d’investissement dont le périmètre est plus large que le seul investissement dans les entreprises, dispose de quatre personnes dédiées à l’innovation, à l’international et au développement[3].
Ces postes requerront des compétences spécifiques au capital investissement, compétences qui sont fortement valorisées dans le secteur privé. De ce fait, l’hypothèse retenue est que ces ETP disposent du salaire moyen d’un ETP de catégorie A dans la fonction publique territoriale (39 000 € annuellement de rémunération nette, soit environ 70 000 € en comprenant les charges patronales et salariales). La masse salariale annuelle de l’équipe dédiée peut donc être estimée entre 140 000 € et 210 000 €, soit entre 840 000 € et 1 260 000 € sur la durée de la mandature.
Cependant, les Conseils régionaux de Basse-Normandie et de Haute-Normandie disposent déjà d’agents dédiés au soutien des entreprises. Le regroupement des équipes régionales actuellement en charge du soutien aux entreprises peuvent permettre à l’agence d’avoir un coût de fonctionnement supplémentaire réduit par rapport aux instruments existants.
Le candidat précise que les deux Régions actuelles disposent déjà d'équipes importantes dans le domaine économique. Elles permettront, selon lui, de pourvoir de manière satisfaisante aux besoins de l'agence sans coûts salariaux supplémentaires.
Sources
- Le site de campagne de la liste LR-UDI-Modem en Normandie ;
- Les délibérations du conseil régional de Haute-Normandie ;
- Présentation des aides économiques de la région Basse-Normandie en date du 10 décembre 2013 ;
- Fiche sur NCI Gestion issue du guide des sociétés de capital-investissement et informations sur la société sur son site officiel et sur le site internet com;
- Description du fonds PACA Investissement ;
- Etudes 2014 de l’Association française pour le capital-investissement (AFIC) sur le capital investissement ;
Article sur le capital-risque :Krieger E., Medjad K., Iselin F., Grandsart R. &Gerasymenko V. (2012), « La performance du capital-risque : entre fantasme et réalité… » ; - Organigramme de la direction du développement économique et de l’emploi de la région Rhône-Alpes ;
- Etude de l’INSEE sur les salaires dans la fonction publique territoriale ;
- Ecosystème du financement privé des entreprises en Basse-Normandie, 2011.
[1] Ce fonds investit dans les entreprises innovantes sous forme de prises de participation au capital ou obligations convertibles, aux côtés d'investisseurs privés pour des montants compris entre 150 K€ à 1,5 M€.
[2] Ces fonds sont nommés Go Capital et NCI gestion.
[3] Quoique le fonds régional d’investissement de la région Rhône-Alpes soit de 30 M€, soit trois fois plus petit que celui projeté par le candidat, il est fait l’hypothèse que la plupart des tâches assurées par l’équipe du conseil régional (siéger au conseil d’administration, définir la politique d’investissements) sont peu corrélées à la taille du fonds, et que le suivi des investissements revient au gestionnaire du fonds qui lui est rémunéré par des frais de gestion calculés en pourcentage des montants investis (entre 1,5 et 2,5 %).